Une occasion de s’intéresser de plus près à cette petite étendue d’eau, riche en flore et en faune, et qui nous apporte, sans qu’on le sache, de nombreux services écosystémiques. L’un d’entre eux est fort méconnu et parfois même décrié : la régulation du moustique !
En effet, l’idée selon laquelle les zones humides favoriseraient le développement du moustique est très répandue. Celles-ci souffrent traditionnellement d’une mauvaise image et sont souvent associées, à tort, à un milieu sale et à la maladie. Qui n’a jamais suivi les péripéties, au détour d’un roman ou d’un film, d’un héros devant traverser un marais sinistre ou un marécage putride, au péril de sa vie… Si les zones humides ont mauvaise presse, elles sont pourtant une alliée de poids dans la gestion de l’eau et la protection de la biodiversité. Parmi elles, la mare est aux côtés de l’humain depuis bien longtemps et ce n’est pas pour rien : filtration de la pollution, îlot de fraîcheur, abreuvement du bétail, réserve d’eau…
Malgré leurs intérêts, la vie moderne et majoritairement plus urbaine a mené à l’abandon progressif de nos liens avec ces milieux. Cette prise de distance entraîne de la méconnaissance. C’est dans ce contexte qu’intervient le moustique et les aspects sanitaires de la mare. Ainsi, si le moustique se reproduit dans l’eau, l’eau devient dangereuse. En ville, ou ailleurs, on accuse parfois les techniques alternatives de gestion des eaux pluviales d’être une cause de prolifération du moustique et donc d’agents pathogènes. Toutefois, des études réalisées en métropole lyonnaise ont permis de démontrer que les espèces de moustiques qui colonisent ces milieux sont des espèces autochtones et pas le moustique tigre, autrement dit sans danger pour l’espèce humaine car non vecteurs d’agents pathogènes. Par ailleurs, cette étude met en avant un fait intéressant : les premiers gîtes aquatiques colonisés par les moustiques sont les parties d’ouvrage les plus artificielles, c’est-à-dire celles ayant des fonds et des berges bétonnées. Il faut en conclure que les noues, les toitures végétalisées et d’autres pratiques plus naturelles de gestion des eaux ne sont pas dangereuses pour la santé humaine, dans la mesure où elles sont bien entretenues, et ne favorisent pas la prolifération du moustique. Ces derniers privilégieraient les habitats artificiels par rapport aux habitats naturels. De plus, n’oublions pas le rôle essentiel de ces techniques face aux défis de l’eau ; elles rendent la ville plus perméable, évitent les inondations et conservent la fraîcheur pendant la sécheresse. Le CEREMA a par ailleurs montré dans plusieurs études que les bassins avec une permanence de l’eau et une profondeur suffisante, ainsi que l’association avec des plantes hélophytes et hydrophytes, n’étaient pas des lieux de prolifération des moustiques, bien au contraire.
Soit, les moustiques préfèrent les milieux artificiels. Cependant, il y a tout de même des moustiques dans la mare, non ?
Oui et heureusement ! Les moustiques sont une source de nourriture pour d’innombrables espèces et c’est précisément dans ce cadre que la mare est un véritable terrain de chasse. En effet, les mares en bon état écologique sont riches d’une faune variée, dont la plupart sont des prédateurs du moustique. C’est le cas de nombreux coléoptères, diptères ou petits crustacés et autres invertébrés aquatiques, mais aussi des larves d’amphibiens (les fameux têtards !) et des libellules, qu’elles soient adultes ou au stade de larves. Par ailleurs, lorsque la mare se situe dans un milieu écologique favorable, les oiseaux, les petits mammifères et les chauves-souris se régaleront également des moustiques. La mare n’est donc pas simplement un lieu de ponte du moustique, c’est un écosystème complexe, inscrit dans la chaîne alimentaire et en parfait équilibre, notamment grâce au phénomène de régulation.
Les moustiques peuvent-ils proliférer dans la mare ? Non, sauf si la mare est en déséquilibre écologique. Une mare en bonne santé va accueillir les animaux champions de la régulation : les amphibiens et les libellules. Ils sont les prédateurs phares des moustiques. Libellules comme amphibiens sont capables de prédater le moustique à tous ses stades de développement, de l’œuf à l’adulte, en passant par la larve. Des études ont montré que certaines libellules consommaient jusqu’à 64 larves de moustiques par jour ! D’autres recherches ont démontré une durée de six semaines pour que la présence d’une seule espèce de libellule vienne réduire drastiquement une population de moustiques. Par ailleurs, les larves de libellules peuvent aussi avoir un effet de contrôle sur les populations larvaires de moustiques. Ce biocontrôle est beaucoup plus efficace que les tentatives d’éradication du moustique par produits chimiques qui sont une source énorme de pollution et face auxquels les moustiques peuvent développer des résistances.
Pour ce qui est des amphibiens, crapauds, grenouilles, tritons ou salamandres, tous se nourrissent du moustique. Pas besoin d’espèces rares : le crapaud commun, que l’on trouve partout en France, est très efficace dans la régulation du moustique. Par ailleurs, les larves de moustique rencontrent de la compétition pour la nourriture lorsque les têtards sont aussi présents dans la mare. La présence de têtards a comme conséquence de réduire la croissance des larves de moustique ainsi que leurs chances de survie. Ces effets subsistent même si la mare est riche en ressources pour ces deux larves. Au lieu de chercher à réduire les mares, il faudrait plutôt s’interroger sur les conséquences que peut avoir le déclin des populations d’amphibiens…
Les mares ne sont donc pas des lieux dangereux et propices au développement de maladies pathogènes du fait du moustique. Au contraire, une mare en bon état écologique contribuera à réguler naturellement cette espèce, au profit de nombre d’autres espèces, dont la plupart sont par ailleurs protégées. Pour ce qui est du moustique tigre, les petits réservoirs d’eau artificiels, tels que les pots de plantes remplies d’eau ou les réservoirs d’eau de pluie non protégés, sont bien plus à même de l’accueillir.
Alors, si vous voulez réduire les populations de moustique et lutter contre l’invasion du moustique tigre, pensez à la mare !
Sources :
Etude du PRAM. 2017. « Les mares comme facteur de dispersion du moustique tigre ? »
CEREMA, 2024. Rapport d’étude. « Les communautés de moustiques dans 4 bassins routiers et 3 mares de référence situés en Lorraine »
Bacot, Barraud et Marmonier. 2017. « Les moustiques dans les ouvrages de gestion – alternative des eaux pluviales en ville ? Retour sur l’étude exploratoire OTHU 2016 ».
Chaterjee, Gosh, Chandra. 2007. ” Eco-friendly control of mosquito larvae by brachytron pratense nymph”. International Perspectives, volume 69, numéro 8.
Ce projet a bénéficié du soutien financier de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. L'agence de l'eau est l'établissement public de l'Etat qui oeuvre pour la protection de l'eau et des milieux. Elle perçoit des taxes sur l'eau payées par tous les usagers et les réinvestit auprès des maîtres d'ouvrages (collectivités, industriels, agriculteurs et associations) selon les priorités inscrites dans son programme "Sauvons l'eau 2019-2021". Plus d'informations sur www.eaurmc.fr
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